Créteil (Maison des Arts) – Ballet de l’Opéra de Paris – Soirée Lifar/Petit/Béjart

Suite en blanc (S. Lifar) / L’Arlésienne (R. Petit) / Le Boléro (M. Béjart)
Ballet de l’Opéra de Paris
Maison des Arts de Créteil
15 février 2008

Une tournée française

Tournée française en ce mois de février pour le Ballet de l’Opéra de Paris qui, après un passage par Aix-en-Provence et Montpellier, se retrouve à la Maison des Arts de Créteil pour trois soirées.

Composé d’œuvres emblématiques de Serge Lifar, Roland Petit et Maurice Béjart, le programme, particulièrement adapté à une tournée, semble idéalement conçu dans sa progression. De l’abstraction néo-classique de Suite en blanc à l’apothéose spectaculaire du Boléro, en passant par la concentration dramatique de L’Arlésienne, le spectacle est à la fois éclectique dans la variété des styles qu’il propose, et en même temps d’une grande unité par le nom des chorégraphes choisis, tous trois intimement liés à l’histoire de l’Opéra de Paris.

Suite en blanc de Serge Lifar, en dépit de quelques tableaux mémorables, demeure la partie la plus inégale de ce programme, la moins familière aussi peut-être à la génération actuelle de danseurs. « La Sieste », interprétée par Laura Hecquet, Sabrina Mallem et Marie-Solène Boulet, retient d’emblée l’attention par l’harmonie et la douceur qui s’en dégagent. La « Sérénade », magistralement dansée par Myriam Ould-Braham, absolument lumineuse, suscite toujours l’enthousiasme, tandis que le « Pas de Cinq » révèle une nouvelle fois la virtuosité redoutable de Fanny Fiat. Isabelle Ciaravola, malgré de petites faiblesses techniques, apporte quant à elle charme et musicalité à une « Flûte » empreinte de féminité, qui sert admirablement les accords sensuels de la partition de Lalo. Enfin, le duo réunissant Delphine Moussin et Manuel Legris dans l’ »Adage », même s’il n’atteint pas l’absolue fluidité de celui qui associait ce dernier à Aurélie Dupont, possède pourtant cette séduction distante et cette élégance française si caractéristiques du style du ballet. D’autres passages fameux, tels le « Thème varié », « La Cigarette » ou la « Mazurka », semblent malheureusement pâtir d’un manque de moelleux et d’une certaine raideur dans l’exécution, ou simplement de la comparaison avec d’autres interprètes.

L’Arlésienne de Roland Petit, chorégraphié sur la musique de Bizet, ne suscite en revanche aucune réserve auprès du spectateur. La familiarité des danseurs avec l’œuvre est ici palpable. Le corps de ballet notamment, par des ensembles à l’harmonie parfaite et à la dynamique précise, se montre digne de tous les éloges. En marge des solistes, il constitue, dans cette adaptation quelque peu stylisée du conte de Daudet, un personnage à part entière, s’apparentant, par son rôle dramatique, à un choeur de tragédie accompagnant l’action. Dans les rôles de Vivette et de Frédéri, qui appellent un engagement total des interprètes, Clairemarie Osta et Manuel Legris, se révèlent individuellement irréprochables. Le mouvement est d’une clarté admirable, la danse impeccable. On regrettera cependant un certain manque de passion, qui nuit à l’émotion, dans le duo qu’ils forment.

Et puis vient le moment tant attendu du Boléro… Bien sûr, on aurait souhaité la table rouge et la créature qui l’habite plus lointaines… Mais malgré la proximité de la scène, l’oeuvre conserve son efficacité spectaculaire et sa dimension paroxystique grâce à Nicolas Le Riche, souverain dans ce morceau de bravoure de la danse du XXème siècle, qu’il sublime de sa présence inspirée. Loin de la sensualité animale que lui confèrent certains artistes, Nicolas Le Riche impose une autre évidence interprétative, qui conjugue force, puissance et souplesse féline. Un feu d’artifice final et une ovation à la mesure d’un interprète exceptionnel…

Myriam Ould-Braham, Suite en blanc, « La Sérénade » © dansomanie

Article publié dans DLM, n°71.

Prix de Lausanne 2008 – Dossier

C’est sous un soleil radieux et des températures bien peu hivernales, du moins telles qu’on peut les connaître traditionnellement en Suisse à cette période, que Lausanne nous accueille en ce jeudi 31 janvier, deux jours après l’ouverture officielle de son Prix annuel. Mais comme on le verra, ici aussi, les traditions s’usent. Car si le Palais de Beaulieu accueille toujours les candidats sur les hauteurs de la ville, le concours a quant à lui subi, depuis l’an dernier, quelques transformations notables dans son règlement et son organisation.

Cette année, en effet, il n’est plus question de quart de finale ni de demi-finale : tous les candidats sélectionnés pour le Prix – ils sont 74 au total (52 filles et 22 garçons) – sont évalués quatre jours durant et restent à demeure au moins jusqu’au samedi, jour où le jury tranche enfin, à l’issue des épreuves sur scène qui décideront de la petite vingtaine de danseurs considérés dignes de concourir pour la finale du dimanche. Par ailleurs, considérant qu’il était difficile et illusoire d’appréhender de la même manière de jeunes danseurs à la maturité différente (et l’on sait qu’à l’adolescence, une ou deux années en plus ou en moins changent beaucoup les choses), les organisateurs de la compétition ont décidé de regrouper les candidats, pour le travail de répétition des variations, par tranche d’âge, les 15-16 ans d’un côté et les 16-17 ans d’un autre. Les variations classiques qui leur sont proposées ne sont d’ailleurs pas les mêmes. Désormais donc, les danseurs sont vus et notés par le jury lors de deux ateliers – un atelier d’expression artistique et un atelier contemporain – et lors de deux épreuves sur scène au cours desquelles ils doivent présenter une variation classique et une variation de John Neumeier, également Président du jury de cette édition. La note fixée par le jury pour chaque candidat dépend de ces quatre éléments dont aucun n’est privilégié par rapport à l’autre. Encore une fois – même si la présence de John Neumeier y est probablement pour quelque chose -, le Prix de Lausanne, qui n’a au demeurant cessé d’évoluer depuis sa création, se distingue des compétitions de danse traditionnelles, où la technique et la virtuosité classiques restent les critères discriminants de réussite, pour se concentrer davantage sur la dimension artistique et la capacité d’improvisation des danseurs. Cela nous promet en tout cas pour samedi des sélections-marathon, puisque tous les candidats monteront ce jour-là sur scène…

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