Paris (Opéra Garnier) – La Fille mal gardée

La Fille mal gardée (F. Ashton)
Ballet de l’Opéra de Paris
Paris, Opéra Garnier
25 juin 2007

Pastorale au Palais

La Fille mal gardée, chorégraphié en 1960 par Frederick Ashton pour le Royal Ballet, et dansé depuis dans le monde entier, aura dû attendre juin 2007 pour entrer au répertoire de l’Opéra de Paris. Noureev avait en son temps souhaité faire venir cette version à Paris, mais Ashton lui avait à l’époque refusé son accord. La chorégraphie de Lazzini lui fut alors substituée, de manière éphémère. Durant les dernières décennies toutefois, l’Ecole de danse, dans une version remontée par Claude Bessy, sut honorer ce ballet d’origine française resté comme le plus ancien de tout le répertoire classique.

La version de La Fille mal gardée que nous a laissé Ashton, reste marquée par un esprit très anglais – fait d’humour et de tendresse – et par un style, qui paraissent a priori bien éloignés des traditions de l’école française. Il n’était donc pas aisé pour des danseurs, étrangers de manière générale au répertoire et au style d’Ashton, et peu frottés à la pantomime, très présente dans cette chorégraphie, d’entrer dans cet univers.

La tournée du Ballet en Australie, qui se déroulait parallèlement à cette série de représentations, aura permis aux spectateurs parisiens d’admirer quelques espoirs du corps de ballet distribués de manière judicieuse dans les premiers rôles, aux côtés d’étoiles confirmés. Parmi ces jeunes talents, Mathilde Froustey, dans le rôle de Lise, qu’elle avait jadis interprété à l’Ecole de danse, aura brillé d’un éclat particulier. Sa Lise, coquine et impertinente, est certes bien éloignée de l’innocence et de la simplicité de la paysanne imaginée par Dauberval, mais son jeu, d’une grande variété expressive, plein de drôlerie et de vivacité, séduit et emporte l’adhésion. Quant à sa danse, véritablement éblouissante, elle se joue de toutes les difficultés avec un brio impressionnant. Tellement impressionnant d’ailleurs que le couple formé avec Mathieu Ganio, éloigné en Colas de son emploi naturel, y perd quelque peu en empathie et en lyrisme, qualités pourtant centrales et mieux mises en valeur par ce dernier auprès de la délicieuse Svetlana Lunkina.

Les rôles de Simone et Alain, construits comme miroirs burlesques de ceux de Lise et Colas, ne se révèlent finalement secondaires que sur le papier. Simon Valastro notamment, aura impressionné par son interprétation subtile et aboutie du rôle a priori ingrat d’Alain. Il incarne pleinement la figure du simplet, mais il lui confère aussi, en plus de la drôlerie inhérente au caractère, une poésie très touchante. Du grand art ! Autre rôle de bravoure qui a su emporter les suffrages: celui de Simone, interprété par Laurent Novis. Très loin du show grandiose et irrésistible offert par Stéphane Phavorin lors d’autres soirées, Laurent Novis donne une interprétation plus sobre, mais peut-être plus juste, de ce personnage comique, qui doit aussi exprimer la tendresse et susciter la sympathie. La Danse des Sabots, ainsi que les duos pleins d’humour avec Lise, se taillent ainsi un joli succès auprès des spectateurs. Autour d’eux, le corps de ballet surprend agréablement et charme par son entrain et sa joie de danser.

A ceux que l’entrée au répertoire de cette Fille, au fond si anglaise, aurait laissé perplexes, la réponse du public, particulièrement réceptif à l’humour du spectacle, s’impose pourtant. Un ballet délicieux, réjouissant, au charme irrésistible, et un pari réussi pour l’Opéra, grâce à des interprètes qui sont parvenus à pénétrer l’univers un peu suranné d’Ashton. Vivement la reprise…

Article publié dans DLM, n°67.

Photo: Programme de l’Opéra de Paris (juin 2007)