« Best of » 2009-2010

La nouvelle saison chorégraphique ne commence que dans une petite semaine (et tout en finesse, avec le Gala des Etoiles du XXIème siècle, pas vu depuis quelques années…), donc on va dire que j’ai encore le temps pour (ne pas) conclure sur la précédente…

Le « best of » est l’exercice, sinon obligé, du moins traditionnel, de toutes les fins de saison, et j’avoue que si j’aime à lire les « résultats des courses » chez les autres, rien que pour le plaisir  de m’y retrouver ou plutôt de ne pas m’y retrouver, la perspective de m’y soumettre ne suscite souvent en moi qu’un grand point d’interrogation, accompagné d’un « mais qu’est ce que je vais bien pouvoir  citer qui le mérite vraiment et surtout que je n’aurais pas envie de modifier une fois écrit et publié? ».  Sans compter que le jeu – car c’en est un – est forcément réducteur, à l’image de tout résumé d’oeuvre(s)… Est-ce parce que je suis une spectatrice « blasée » – comme certains aiment à dire de tout ce qui n’est pas « regard émerveillé sur tous ces grands artistes qui nous font l’honneur de nous offrir un spectacle »? Est-ce parce que j’ai la mémoire trop courte?  Est-ce parce qu’il y a trop de noms à citer? Ou pas assez dignes de l’être pour la postérité? Est-ce parce que le vertige de la liste annuelle implique forcément une catégorisation encore plus vertigineuse de toutes ces images éparses dans la mémoire?…

Au fond, soit on opte pour la spontanéité absolue, l’immédiateté, l’évidence du souvenir d’exception qui surgit d’emblée et sans crier gare, au risque de réduire la liste à peau de chagrin (en gros, le spectacle – ou l’artiste – qui reste quand on a tout oublié – délibérément ou non – le « truc » émotionnel, quoi…), soit on récapitule consciencieusement l’ensemble des spectacles vus (mon Dieu, j’en ai déjà mal à la tête!), et l’on accorde, après mûre réflexion et dans une démarche d’infinie mansuétude, une récompense ou un accessit à chacun ou presque, dans une catégorie définie d’avance (mais quel intérêt que cette remise des prix, forcément biaisée, comme les magazines ont coutume d’en faire, si l’affaire n’est pas enrobée d’un peu d’humour, voire contrebalancée par un « worst of » en miroir?).

J’ai vu pas mal de spectacles de danse cette année, assez divers de surcroît, en termes de lieu, de genre ou de style (dans la limite du raisonnable, enfin, de mon raisonnable à moi), certains dont j’ai parlé, certains dont je n’ai pas parlé, certains dont j’aurais aimé parler – mais faute de temps ou d’envie… -,  certains dont je n’ai pas su parler, certains aussi dont j’aurais peut-être pu m’abstenir de parler… Peu de franchement mauvais spectacles (si l’on doit en couronner un, résolument impossible à sauver, alors – lâchons- le enfin! – je ne vois que La Petite Danseuse de Degas qui en mérite autant), pas mal de bons et même de plaisants, à un titre ou à un autre (« de qualité » comme on dit dans les guides touristiques), mais aussi beaucoup de « aussitôt vu, aussitôt digéré, aussitôt oublié, en attendant le suivant »… A cet égard, la Bayadère de l’Opéra de Paris, nullement indigne en soi sans doute, me reste encore au travers de la gorge, tant elle illustre à sa petite échelle une tendance lourde de cette belle et antique maison : l’excellent travail du corps de ballet ou des demi-solistes (avec des hauts et des bas bien sûr, mais c’est la vie…) ne pouvant faire oublier la quasi-absence de vrais grands solistes – des étoiles? – sur les premiers rôles, de ceux qui résonnent au-delà d’eux-mêmes (et de trois pour La Baya!…). En gros, je parle ici de tout ce qui fait qu’on continue malgré tout à aimer aller voir ces compagnies, celles qui ont la chance d’avoir une histoire, et qu’on en retient durablement les noms et les visages des interprètes – au moins jusqu’à la rétrospective de fin de saison.

Bref, cette année, ou plutôt cette saison, considérant que le plus court billet est aussi parfois le plus efficace, pas d’hésitation, pas de justification, pas de « bla-bla » – y’a pas le temps pour ça de toute façon -, s’il n’en reste qu’un, ce sera celui-là – et j’ai déjà tout dit dessus :

Et puis en vrac, et sans beaucoup plus d’explications, pas un « best of » en bonne  et due forme, avec remise de prix bien calibrés, mais ces quelques moments rares de la saison, très personnalisés, que ma mémoire retient avant tout pour l’  « émotion » particulière qu’ils ont su procurer, et qui sont, exactement au même titre que le spectacle d’Israel Galván, a priori d’un autre style, sublimés par des interprètes véritables (parce que je n’en peux plus du pompeux mot d’ « artiste »), par des danseurs tout simplement, et dans la grande Tradition :

  • Delphine Moussin, pour beaucoup de petites choses, passées, revenues, bientôt arrêtées, et pour sa Nikiya d’un premier soir – malgré tout… Mais s’il ne faut retenir qu’une soirée à l’Opéra pour cette saison (pas toujours rendue inoubliable par ses distributions), alors ce sera sans aucun doute la Giselle du début d’année, pas n’importe laquelle, celle avec Clairemarie Osta et Mathieu Ganio, mélange rare de charme, de rigueur et de lyrisme. De mieux en mieux (surtout lorsqu’on se rappelle les aléas de 2006), ça devient vraiment très bien.

  • Semyon Velichko, soliste inconnu de l’obscur (enfin, plus maintenant) Ballet de Novossibirsk-aux-Ombres-magiques, pour son Apollon en particulier (et pour leur Apollon tout court), et une ou deux autres petites choses grandioses (pardon, le compte-rendu manque à l’appel). Quelque chose d’Emmanuel Thibault il y a cinq ou dix ans. Le regard terrible du merveilleux Sarafanov lors du premier acte du Lac ne (se) trompait pas. Rien que pour lui (mais pas que pour lui), Zelinsky n’a pas perdu son pari en s’exilant en Sibérie. On appelle ça la révélation de l’année.