Paris (Opéra Garnier) – Paquita

Paquita (P. Lacotte)
Ballet de l’Opéra de Paris
Paris, Opéra Garnier
17 décembre 2007

Parfums d’Espagne

Chorégraphié en 1846 par Joseph Mazilier, sur une musique d’Edouard Deldevez, Paquita est, dans la version actuelle dansée à l’Opéra de Paris, le résultat d’un travail de reconstruction mené par Pierre Lacotte, qui a abouti en 2001 à la recréation de l’œuvre sur la scène qui vit sa naissance. S’inscrivant dans le contexte de l’esthétique romantique et de son goût pour le pittoresque espagnol, le ballet de Mazilier connut des modifications, notamment lorsqu’il quitta la France pour la Russie. Marius Petipa lui adjoignit ainsi, en 1882, le Grand pas sur la musique de Minkus, devenu emblématique du répertoire impérial. La reconstruction de l’œuvre originale – qui conserve, tout en le transformant, le Grand pas conclusif se présente donc comme une synthèse de différents états chorégraphiques en même temps que stylistiques. Si le premier tableau requiert des solistes, comme du corps de ballet, piquant et vivacité dans une chorégraphie fondée essentiellement sur le travail de l’allegro, le second tableau, délaissé par la danse, exige des interprètes des talents dans l’art de la pantomime. Quant au Grand pas, il fait appel à un style noble et lyrique, presque à l’opposé de la danse taquetée caractéristique du début.

L’oeuvre, si elle pèche par une intrigue plutôt décousue, privilégie ainsi l’art chorégraphique. Elle est alors propre à mettre en valeur le corps de ballet – sollicité dans les nombreuses danses d’inspiration espagnole ou la grande scène de bal -, et les solistes, notamment l’héroïne, qui trouve dans le rôle-titre bien des occasions de briller. A l’occasion de cette reprise, Agnès Letestu, interprète expérimentée du rôle, était associée à Florian Magnenet qui faisait là ses débuts en Lucien d’Hervilly. Individuellement, bien qu’un certain manque de vivacité n’en fasse pas naturellement une Paquita idéale, Agnès Letestu séduit toujours par un jeu lisible, précis et riche de détails variés. Par ailleurs, le travail effectué sur les caractères et le mime parvient à rendre crédible un couple formé de manière impromptue et quelque peu insolite dramatiquement parlant. Si M. Magnenet, élégant danseur destiné aux rôles nobles, manque encore de la puissance scénique et de la précision technique – notamment dans la petite batterie -, dont on rêverait pour un tel rôle, ses qualités de partenariat et son assurance grandissante au fil de la représentation sont à souligner.

Le reste de la distribution a permis d’apprécier un solide Karl Paquette dans le rôle d’Inigo, ainsi que le charme bienvenu d’Alice Renavand en Dona Seraphina. On mentionnera encore le pas de trois, superbe morceau de virtuosité, interprété avec maestria par Fanny Fiat, Mathilde Froustey et Mathias Heymann. Si le corps de ballet paraît emprunté dans un Grand pas dont on attendrait moins de raideur et davantage de lyrisme, il se montre en revanche parfaitement à son aise dans le style, si caractéristique de l’école française, requis par les danses du premier acte, comme les danses gitanes ou le pas des manteaux. Toutefois, au-delà de moments isolés et du plaisir procuré par les pas d’école, un certain souffle innervant l’ensemble fait défaut au ballet.

Joyeux divertissement dans le goût du XIXème siècle, dont on peut regretter le caractère hybride de la reconstruction chorégraphique, cette Paquita trouve néanmoins un écrin somptueux dans la scénographie de Luisa Spinatelli. Son incomparable richesse visuelle tente là de capturer l’essence du ballet romantique et des heures glorieuses de l’Opéra de Paris.

Article publié dans DLM, n°70.

Photo: tutu de Paquita © Jacques Moatti – Opéra de Paris

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